Égalité des femmes et des hommes face à la galanterie dans la société haïtienne

Égalité des femmes et des hommes face à la galanterie dans la société haïtienne

Par Kensly Mérisier

Durant des siècles, on a eu une perception stéréotypée et dévalorisante à l’égard des femmes. Car, le droit de ces dernières a été très limité contrairement aux hommes. Cette limite est expliquée par le fait qu’à l’époque les femmes occupaient une position subordonnée dans les sociétés. On les avait interdit un tas de choses telles que: le droit de voter, de porter un pantalon, d’aller travailler (on ne voyait leurs places qu’au foyer), etc. Sans oublier aussi les abus sexuels et la maltraitance qu’ont subit ces précieuses créatures au quotidien par des hommes.

En effet, voulant se révolter contre cette situation traumatisante, les femmes, en 1960, ont mis sur pied ce mouvement nommé « féminisme » ou plutôt « néo-féminisme » (pour parler de cette seconde phase du mouvement qui a fait son apparition au milieu des années 1960 aux États-Unis) afin de combatre cette discrimination établie à peu près partout. Grosso modo, ce mouvement social est traversé par trois grandes tendances dans sa première décenie et qui demeurent, encore aujourd’hui, des points de repère, une sorte de tronc commun à partir duquel l’évolution de la pensée féministe peut être comprise.

Ces trois grandes traditions de pensée féministe sont : le féminisme de tradition marxiste et socialiste, le féminisme radical et le féminisme libéral égalitaire. Cette dernière, est celle qui nous intéresse la plus dans ce texte.

Parlons du féminisme libéral égalitaire

Le féminisme libéral égalitaire (appelé aussi « réformiste », ou féminisme des droits égaux), est en filiation directe avec l’esprit de la Révolution française. Liberté (individuelle) et égalité seront deux de ses principaux axes de lutte. Les féministes libérales égalitaires ont donc réclamé pour les femmes, depuis plus d’un siècle, l’égalité des droits avec les hommes. Cette réclamation est tout à fait judicieuse et légitime. Cependant, ce féminisme égalitaire ne se heurte-t-il pas contre la galanterie dans la société haïtienne? La galanterie est-elle une chose faite que pour les hommes ? Les réponses à ces interrogations seront le point central de ce texte.

À cet effet, ces écrits ont donc pour objectif, d’une part, de prôner une égalité intégrale entre les hommes et les femmes et ceci même au niveau de la galanterie, d’autre part, d’encourager la population haïtienne à avoir une nouvelle perception à l’égard des femmes. Pour mieux apréhender le sujet et pour faciliter la compréhension de ses lecteurs, l’auteur a sélectionné des moments précis dans la vie de couple d’une jeune femme nommée Alicia et d’un jeune homme nommé Jn Robert.

La vie de couple d’Alicia et de Jn Robert

Tous deux de nationalité haïtienne et vivent en Haïti. Alicia est une adhérente active du mouvement féminisme et Jn Robert lui aussi marche dans la même logique de l’égalité entre les deux sexes. En voici trois moments dans la vie quotidienne de ces deux amoureux. L’un de ces moments était dans un restaurant et les deux autres étaient respectivement au bord de la rue et dans une voiture. Étant en couple, Jn Robert et Alicia ont l’habitude de sortir ensemble de temps à autre. Tantôt l’invitation est faite par Jn Robert tantôt elle est faite par la jeune femme. Mais, ce soir, l’invitation a été faite par cette dernière dans un restaurant pour dîner ensemble. Le jour du rendez-vous, en arrivant à l’entrée du restaurant, Jn Robert, voulant montrer à Alicia sa galanterie, a ouvert la porte pour faire entrer la première sa princesse. Mais, après cette action, Jn Robert a remarqué un changement d’humeur auprès de sa belle Alicia, qui, bien avant, était si joviale. Pour continuer de se comporter en vrai homme, Jn Robert a tenté de tirer la chaise afin de faire attabler Alicia. Cette fois, la féministe l’a arrêté en le remerciant et l’a fait pour elle même et pour Jn Robert aussi. Puis, ces actes ont suscité une petite discussion comme suit:

– Alicia : Pourquoi c’est toujours toi qui veux jouer le protecteur? On dirait que nous les femmes, on n’est que des faibles, des êtres si vulnérables, si…

Jn Robert qui a peut être oublié cette question d’égalité entre les deux sexes a vite compris la réaction de sa copine et a répondu ainsi :

– Désolé trésor ! Ce sont nos vieilles habitudes. J’ai oublié que la galanterie n’est pas une chose faite que pour les hommes. Les femmes aussi peuvent être très galantes.

Satisfaite de la réponse de son prince charmant, Alicia, en souriant, a profité d’accomplir en ce moment, l’un de ses rêves le plus cher. Elle a pris son sac et fait sortir une jolie bague. Puis, en mettant à genoux dans l’enceinte du restaurant, elle demande à Jn Robert :

Veux-tu m’épouser mon amour?

Très étonné et ému par le geste, Jn Robert, après quelques secondes, a repondu :

Oui ma très chère, je le veux.

Cette noble action vient de troubler la perception des gens qui étaient aussi présents dans le dit lieu, comme quoi une femme n’a nul droit de demander la main d’un homme. Malgré l’intensité de leurs étonnements, ils se sont mises à applaudir chaudement les fiancés.

Après leur mariage, les deux époux, ont eu vraiment une belle vie de couple. On dirait l’incarnation de l’amour lui même. D’un côté, une femme heureuse, très émancipée et se sent libre bien que mariée, ouah…que c’est chou !!! Cependant, en dépit de son émancipation, Alicia était sincère et fidèle à son mari. Il est vrai que son corps lui appartient, elle peut en faire tout ce qu’elle désire, mais elle a promis la fidélité à Jn Robert et elle tient à ce qu’elle soit honnête envers lui. Car, pour Alicia, être infidèle n’a rien à voir avec l’émancipation d’une femme. Dans la maison, quand il s’agit des travaux ménagers et de prendre soin des enfants, les tâches se sont partagées aisément. D’un autre côté, Jn Robert, lui, un homme qui respecte les femmes, qui se met à coté de celles-ci, précisément la tienne, pour se battre bec et ongles pour une accepation générale de l’égalité des hommes et des femmes. Vivant une telle vie, on dirait que les deux se sont fait l’un pour l’autre. Mais, cette question d’égalité entre eux est une chose si intéressante et un peu fragile aussi parfois dans leur vie quotidienne. Voyons voir !

Un bel après-midi, les amoureux ont décidé de se flaner un peu à pied aux alentours. Jn Robert, qui, généralement adore marcher sur le côté gauche de sa femme (proche des voitures et des motos qui circulent sur la route), juste pour essayer de la protéger des accidents. Ce jour là, Alicia a décidé de faire le contraire. Cette fois-ci, elle veut que ce soit elle qui marche du côté qui se donne sur la chaussée. Pendant qu’ils rigolaient ensemble, parlaient de tout et de rien, malheureusement, leurs joies vont changer en peine. Soudain, une moto, roulant à toute vitesse, a renversée Alicia par terre et elle s’est évanouie sous peu. Quelques minutes après le drame, nombreux sont les gens qui se massaient pour assister et pour aider la pauvre femme. Et Jn Robert qui lui inconsolable, désemparé, ne cesse pas de pleurer et crier à l’aide comme un fou. Malgré sa souffrance, un homme de grande taille et très musclé qui était assis au bord de la rue qui a tout vu ni avant ni pendant l’accident, s’approcha de Jn Robert d’un air agaçant en lui parlant avec les dents serrées.

Ey yow, ou pa t pase maladi jènjan? Ou fèk desann? Kote mawozo gwo po sa soti mesye? Mwen pral aprann ou kòman pou w mache ak fanm…

Heureusement la foule l’a arrêté et l’empêché d’approcher Jn Robert. Sinon, vous pouvez imaginer la suite… Mais, après avoir appris l’histoire par ce géant monsieur, presque tous les autres assistants ont eu aussi le même désir de violenter l’époux d’Alicia. Ils le regardent comme s’il était un con, dépourvu de toute galanterie et de gentillesse. Sans compter toutes sortes d’injures et des propos malsains qu’ils se lancent sans cesse vers lui. Pour faciliter Jn Robert à s’échapper de cette pénible circonstance, la police qui était tout près, l’a aidé à monter dans l’ambulance afin d’acompagner Alicia à l’hopitale. Plus de peur que de mal, la chère épouse de Jn Robert vient de sortir dans la salle d’urgence sans aucune facture (os brisé), juste quelques égratinures et de la migraine. Cependant, étant donné qu’elle s’est tombée sur la tête lors de l’accident, on dirait que la jeune féministe a perdu un peu sa mémoire dans cette dernière partie de l’histoire suivante.

Après le drame, tout n’est pas fini pour les amoureux. Ils continuent à vivre leur belle vie où l’égalité des hommes et des femmes reste et demeure un élément primordial pour le bon fonctionnement de leur mariage. Et, Jn Robert adore énormement sa nouvelle vie tout en s’éfforçant journellement à se debarasser de ses vieilles habitudes, de ses perceptions érronnées à l’égard des femmes.

Dans cette partie des extraits de l’histoire de ce couple, Jn Robert et Alicia étaient en ce moment en voiture pour rendre une petite visite de courtoisie à un ami. En arrivant devant la maison de ce dernier, Jn Robert qui voulant jouir la galanterie de sa femme, reste derrière le volant afin d’attendre la descente de celle-ci pour lui ouvrir la portière. Voilà ce qui est Intéressant, la femme, elle aussi a la même intention. Jn Robert regarde Alicia et Alicia regarde son mari. Peut être qu’on dirait qu’ils avaient envi de faire l’amour là maintenant. Non, ce n’est pas le cas. Trente secondes sont déjà écoulées, une minute, 90 secondes… Oh! Qu’est ce qui se passe ? Finalement, Alicia s’est rendue compte que son mari l’attend pour lui ouvrir la portière de la voiture. Tout en souriant, la très galante Alicia a descendu la voiture et ouvert la portière de son charmant époux. Ce geste d’amour mérite bien d’être récompené hein? Bien sûr ! C’est ce que Jn Robert vient de faire en embrassant sa ravissante femme tout en la remerciant acompagné d’un beau sourire.

Ces moments sélectionnés dans la vie quotidienne de ce couple sont très instructifs et significatis. Car, ils nous invitent à changer nos vieilles habitudes, nos vieilles perceptions érronnées vis à vis des femmes tout en encourageant les hommes à se serrer les coudes aux côtés des femmes à la manière de Jn Robert, afin de les aider à trouver ce qu’elles réclament et qu’elles les méritent bien. Plus question que les femmes sont inférieures aux hommes. Qu’il n’ait plus de tendance de subordination, plus de question que les femmes n’ont pas le droit de demander un homme au mariage, etc. Au foyer, l’homme peut aussi rester à la maison pour prendre soin des enfants et assurer les travaux ménagers s’il est en congé ou au chômage. Monsieurs, les femmes ne sont pas des êtres faibles tel qu’on le croyait autrefois. Elles peuvent nous protéger comme nous aussi pouvons le faire habituellement. Elles peuvent nous draguer et nous procurent aussi du bonheur dans nos relations amoureuses ou amicales, puisque la galanterie n’est pas une affaire genrée. Comme l’a dit Simone de Beauvoir dans sa publication du « deuxième sexe », <<Aucun destin biologique, psychique, économique, ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin >>. Plus encore, l’auteur affirme qu’il n’existe pas de nature féminine préétablie justifiant la ségrégation sexuelle. Les différences morphologiques ne suffisent pas à expliquer la domination masculine.« Ce n’est pas l’infériorité des femmes qui a déterminé leur insignifiance historique ; c’est leur insignifiance historique qui les a vouées à l’infériorité. » Celle-ci constitue, en réalité, un héritage très ancien transmis par l’éducation et si intériorisé que les femmes en sont arrivées à revendiquer de timides améliorations de leur condition au nom d’une spécificité féminine les emprisonnant dans les rôles sociaux traditionnels.

En effet, le moyen le plus efficace pour enrayer la discrimination faite aux femmes réside d’abord dans l’éducation non sexiste. Il s’agit de socialiser autrement les femmes. C’est en changeant les mentalités qu’on changera la société. L’autre moyen réside dans les pressions pour faire changer les lois discriminatoires. Il est vrai que renverser un système social et symbolique si profondément ancré dans les usages de toutes les sociétés depuis l’origine des temps est un véritable défi, mais, on y gagnera pas à pas. Vive une égalité intégrale entre les hommes et les femmes ! Vive une galanterie non-genrée au sein de la société haïtienne ! Vive la liberté individuelle et la justice pour toutes et tous !

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