Depuis plusieurs décennies, la gourde ne cesse pas de perdre sa valeur quantitative face au dollar américain dans le pays, presque toutes les transactions importantes se font en dollars, ce qui peut être considéré comme une violation de la constitution haïtienne. Dans son article six (6) du premier chapitre elle indique clairement que « l’unité monétaire nationale est la gourde », ce qui est corroboré par des circulaires de la BRH et de l’arrête présidentiel du premier mars 2018 ; qui stipule « la gourde est la seule monnaie qui a cours dans le pays. Toutes les transactions sur le territoire national sont exigibles en gourde, dans la monnaie nationale »
Malgré toutes ces décisions, partout dans le pays, les entreprises poursuivent leurs transactions en dollar, ce qui engendre une course effrayante vers le dollar américain au détriment de la gourde. Le problème n’est pas la dépréciation de la gourde sinon la dollarisation de l’économie ou encore la double circulation monétaire, car dans une économie où il y a la double circulation monétaire (une économie faible), la mauvaise monnaie chasse toujours la bonne (la loi de Gresham). Puisque, la production locale est trop faible même pour assurer l’autoconsommation, le pays (l’Etat) est obligé d’importer des produits pour compenser cet écart de consommation, or les importations se font en dollar, qui est pour nous la mauvaise monnaie, ce qui engendre une course sans fin vers le dollar.
Le dollar est une bien comme tous les autres, puisque nous ne produisons pas de dollar, nous sommes obligés de l’acheter de ses détenteurs. Selon la loi de l’offre et la demande, quand la demande d’un produit augmente, le prix augmente parallèlement, ce qui justifie l’élévation du prix du dollar face à la gourde, en d’autres termes cela se traduit par le taux de change gourde-dollar.
La dépréciation peut être aussi l’objet d’une politique d’exportation des produits nationaux, si nous avons une production effective. Sachant que Haïti est un pays importateur, la dépréciation de la monnaie locale est déficitaire pour l’économie haïtienne, puisque le pays dépend presqu’à plus de 60% de l’extérieur en produit alimentaire. Selon plusieurs économistes, la faiblesse de la production agricole est l’une des causes principales de cette dépréciation, car la production agricole ou la production nationale est le premier facteur qui peut contribuer à une amélioration de la situation sociaux économique et une diminution du niveau des produits importés.
Par ailleurs, le prix des produits de premières nécessités ne cesse de grimper, ce qu’on appelle en économie « l’inflation ». Misère, famine, la mendicité sont les conséquences visibles de cette dépréciation, puisque la grande majorité de la population n’a pas le pouvoir d’achat suffisant. Avec un taux de change gourde-dollar de 115.1033 à l’achat et 117.3415 à la vente, affiche par la BRH (Banque de la République d’Haïti) pour le marché bancaire au moment où nous rédigeons ce texte .C’est le désespoir continu pour les haïtiens qui n’ont rien comme pouvoir d’achat et pour ceux qui sont au chômage déguisé, avec moins de l’équivalent de 200US comme salaire mensuel.
Que faire face à cette dépréciation continue de la gourde ?
Cette question ne date pas d’une seule décennie. Plusieurs tentatives ont été menées par les autorités monétaires mais sans aucun résultat concret. A titre d’exemple il y a :
-Les injections monétaires de la BRH,
-L’augmentation du taux d’intérêt sur les DAT (dépôt à terme),
- Les obligations BRH pour déstabiliser la course vers le dollar etc.
Toutes ces démarches n’ont presque rien apporté en termes de résultat concret car la dépréciation continue son chemin infernal.
Face à une telle situation, l’Etat centrale devrait mettre en place des politiques publiques qui visent directement les secteurs porteurs de la croissance économique (la création de richesse dans l’économie haïtienne), interdire de manière radicale la double circulation monétaire sur le territoire nationale avec des rudes sanctions et des amendes en cas de non-respect de cette loi, mettre en place une politique de développement agricole qui vise l’accompagnement des agriculteurs à tous les niveaux, assurer la protection entreprises existantes et favoriser la création d’entreprises dans le pays, éradiquer ce système de concurrence déloyale en favorisant une concurrence pure ce qui permettra de gérer un peu la question d’inflation et l’escroquerie dans le pays au détriment des plus faibles etc.
L’application de ces mesures auront justement des effets positifs sur la situation socio-économique du pays, tel que la réduction du phénomène de la mendicité qui sévit dans les communautés et surtout diminuer le niveau d’insécurité national. La misère, les inégalités sociales la précarité extrême sont à la base des instabilités de toutes sortes.
Wilken SPADY
Economiste de formation
Université Notre Dame d’Haïti
+509 46325021/ 41875209
wilkensspady@yahoo.fr
Félicitations économiste Wilken. Notre économie est effectivement malade, des bonnes décisions économiques doivent être prises afin de palier certains problèmes. Tous les agents, les acteurs économiques doivent s’impliquer dans cette affaire. La dépréciation de la gourde est un virus qui ronge toutes les cellules vitales de l’économie.