Passer de la vie au trépas semble ne pas mettre définitivement fin à la vie pour les Haïtiens, car les morts occupent une place « de vie » dans leur culture. Dans son ouvrage « La campagne anti-superstitieuse », Jacques Roumain a montré qu’il n’y a rien de mal en honorant ses devanciers : « Célébrez la race sainte des immortels qui sont toujours nés de la terre et du ciel constellés d’étoiles ». Ainsi, la société haïtienne ne cesse de « vivre avec ses défunts ». 02 novembre est le jour spécial consacré à eux. Même si une minorité les ignore totalement, le Guédé est quand même célébré dans les 10 départements et par toutes catégories de personnes.
Le 1er novembre est consacré à la fête de tous les saints, jour de grande fête pour les chrétiens catholiques et le 02 novembre, les Guédés sont à l’honneur. Qui sont-ils ?
Selon la culture du vaudou, les Guédés représentent les esprits de la Mort, il s’agit des dieux hérités de la période précolombienne. En effet, les adeptes de la religion ancestrale organisent régulièrement et religieusement des cérémonies au cours desquelles ils célèbrent les dieux de la mort qui sont connus sous divers noms. Les Barons sont les chefs des cimetières et sont les premiers à y être enterrés. Ils peuvent être : Baron Samedi, Baron Criminel, Baron Lacroix ou Baron Cimetière. Si les morts vivent dans les cœurs des vivants, ils peuvent créer aussi leurs familles, à cet effet, Grann Brigite est reconnue comme l’épouse de Baron, elle est également la première femme enterrée au cimetière. Les autres esprits des morts vivent sous diverses autres appellations telles que : Brave Guédé, Guédé Nibo, Ti pis la croix, Jean Simon, Demèplè, Guédé Fouillé, Guédé Loraj, etc…
Chrétiens et vodouisants décorent les rues le jour de la fête des morts. Les premiers vont aux différentes messes en l’honneur des défunts ou au cimetière pour leur parler, les saluer et prier avec eux. Quand aux autres, ils sont éparpillés dans les rues, dans les péristyles et aux cimetières non seulement pour parler aux trépassés mais aussi pour leur offrir de quoi manger. Dépendamment des esprits, les plats sont variés. Lors de ces cérémonies, les chouals « personne attachée à un loa », sont souvent chevauchés. Ensuite, munis de grosses bouteilles de piments préparées plusieurs jours d’avance, ils dansent et se livrent à des gestes érotiques, boivent du clairin trempé avec du piment, mangent du piment et lancent de nombreuses injures.
En général, ce sont tous les Haïtiens qui ne peuvent ignorer la fête des Guédés. Même les chrétiens les plus réfractaires sarclent chaque année l’environnement où leurs proches se reposent ou peignent leurs tombeaux, car chaque début de novembre, les familles haïtiennes dese préoccupent de la propreté des nécropoles.
Le 02 novembre aide l’Haïtien à se réconcilier avec sa culture. Cette dernière relie donc l’être à son origine. Le peuple tire son origine du vaudou, car c’était l’une des armes utilisées par les aïeux pour conquérir la liberté des Noirs. En ce sens, rendons un vibrant hommage à Mackandal, ce chef « chanpouèl » béninois, qui a initié le vaudou dans la culture haïtienne par le syncrétisme et la zombification.
Les morts ont tout aussi droit d’agir de la manière qui leur plait, de rester invisiblement vivant dans nos cœurs. Sans enfreindre la loi et selon la liberté religieuse de chaque citoyen haïtien, il peut vénérer librement ses proches défunts et s’occupent joyeusement de ses « loa ». Peu importe ta foi et l’endroit où tu es, au moins 1 jour de l’année (02 novembre), pense aux défunts qui ont emprunté l’inéluctable voie avant nous.